Windows 8 peut-il révolutionner les tablettes tactiles ?
Apparu en 2010 avec le lancement de l’iPad par Apple, le marché des tablettes numériques connait une croissance ininterrompue.
Un marché sur lequel la firme de Cupertino domine encore largement, avec une concurrence Android qui s’en tient à la portion congrue (une grosse portion sur le segment des petites tablettes).
Mais c’était sans compter sur Microsoft qui entend bien calmer tout ce petit monde grâce à la dernière évolution de son système Windows, entièrement pensé pour les tablettes.
Le géant de Redmond peut-il faire mieux que de ramasser les miettes, comme c’est le cas avec Windows Phone ? C’est tout à fait envisageable, et nous allons voir pourquoi.
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Le PC est mort, vive la tablette !
Cette phrase, on l’entend régulièrement sortir de la bouche des analystes du monde entier, qui prédisent une extinction rapide de l’ordinateur personnel au profit des ardoises, intuitives et simples d’utilisation.
J’imagine que les spécialistes en question n’ont jamais utilisé une tablette sérieusement, ou alors qu’ils passent leur journée à lire des news et leur flux d’actualité Facebook. Tous ceux qui se servent de leur ordinateur pour travailler vous le diront : une ardoise n’est pas adaptée pour des tâches de production.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle ne permet pas de rivaliser avec l’ordinateur dès lors que l’on souhaite saisir du texte et effectuer des tâches complexes en utilisant plusieurs applications. Certains constructeurs comme Asus ont pris conscience du problème, et ont proposé des concepts hybrides tablette / ordinateur, comme par exemple la lignée des Asus Transformer sous Android.
La production devient alors possible, mais ne nous méprenons pas : Polaris Office n’est pas Word, Photoshop mobile n’est pas Photoshop, et le multitâche d’Android n’est pas celui de Windows ou Mac OS. De plus, un tel produit ressemble au final davantage à un netbook / ultrabook qu’à une simple ardoise, sans posséder toutes les fonctionnalités de ces derniers.
Dans ces conditions, difficile d’enterrer le PC et de plébisciter la tablette pour tous les usages. C’est justement là que Microsoft intervient.
Windows 8, un système bourré de défauts, et pourtant…
Cela n’aura échappé à personne, Microsoft domine le monde de l’informatique. Installé sur 90% des ordinateurs du monde, le système d’exploitation règne sans partage, et ce malgré la récente montée en popularité des Macintosh.
Avec Windows 8, Microsoft a pris pour la première fois un risque énorme : supprimer le menu démarrer qui a fait le succès du logiciel, et le remplacer par une toute nouvelle interface entièrement conçue pour les écrans tactiles. Une décision controversée, considérée par certains comme une grave erreur.
Soyons clairs, il est aujourd’hui presque impossible de remplacer Windows. Mac OS X ? Il ne fonctionne que sur Mac et les machines sont trop chères, trop peu évolutives, et plus généralement trop « fermées ». Une distribution Linux ? Pas compatible avec de nombreux logiciels propriétaires populaires et presque indispensables. Sans compter le fait qu’au-delà de Windows, d’autres technologies Microsoft sont bien implantées dans les entreprises (Active Directory, Exchange…), et celles-ci fonctionnent moins bien avec les environnements alternatifs.
David n’est donc pas vraiment disposé à jeter la pierre à Goliath. Cet état de fait permet à Microsoft de tenter des paris risqués, comme c’est le cas avec Windows 8. Il est vrai que ce nouveau Windows est un produit mal fichu à plusieurs égards : l’OS a le cul entre deux chaises, il faut sans arrêt naviguer entre l’interface classique et le menu tactile, et je ne mentionnerai même pas les incohérences de configuration entre les deux. Bref, c’est perturbant et ça semble ni fait ni à faire.
Pourtant, Windows 8 a des qualités qui attirent l’attention. Le système est très rapide et très bien optimisé, fluide en toute circonstance, y compris sur des configurations modestes. Ajoutons à cela une interface tactile originale et réussie dans l’ensemble, et nous obtenons un environnement tout terrain, à l’aise sur tablette et sur ordinateur.
Reste à imaginer une tablette d’un nouveau genre destinée à être le porte étendard de l’OS.
Surface, une très bonne idée qui manque encore de maturité
Lorsque j’ai entendu parler de la tablette Surface pour la première fois, j’ai été impressionné. Impressionné d’une part que l’idée vienne de Microsoft, et surtout impressionné que personne n’y ait pensé avant.
Cette nouvelle ardoise apporte une solution à deux problèmes auxquels personne ne semble s’être penché sérieusement.
Premièrement, la Surface dispose d’un volet détachable faisant office de socle, permettant de la poser sur une table. Jusque-là, seul le français Archos avait eu l’idée, et ce dernier ne joue pas franchement dans le haut de gamme.
Deuxièmement, et on touche là à l’innovation principale, la tablette de Microsoft embarque un véritable clavier tactile incrusté directement dans le protège écran. La firme de Redmond propose là quelque chose d’inédit : un clavier sur lequel on peut sentir les touches, intégré à la protection, qui n’ajoute pas de poids à l’ensemble ! Bien sûr, le confort n’est pas le même que sur un clavier d’ordinateur, mais le ressenti est indéniablement meilleur que sur un écran.
Voici peut-être le remplaçant du PC : un vrai ordinateur en forme de tablette, qui peut s’utiliser des deux façons !
Bien entendu, tout cela est un peu trop beau pour être vrai. Microsoft décline sa Surface en deux éditions : l’une fonctionnant avec un processeur ARM sous Windows 8 RT, et l’autre carburant au processeur Intel i5 associé au même Windows 8 que l’on retrouve sur ordinateur.
La première est déjà disponible chez nous, et force est de constater que le succès n’est pas au rendez-vous. Cet échec s’explique par plusieurs raisons. La principale, c’est Windows 8 RT. Ce dernier n’étant pas compatible avec les applications Windows traditionnelles, la tablette ne fait donc pas plus que ses concurrentes sous iOS et Android (avec Microsoft Office en plus, c’est vrai). On pourrait alors la considérer comme une alternative intéressante, mais le mauvais sort ne s’arrête pas là : la boutique d’applications de Windows 8 RT est presque vide, d’une part parce que l’OS est récent, d’autre part parce qu’il n’est pas populaire, au contraire de son équivalent x86 qu’on trouve désormais installé sur tous les PC neufs.
Microsoft peut alors espérer miser sur sa Surface Pro, qui va faire son apparition très prochainement. Au contraire de sa petite sœur, celle-ci embarque un écran HD, un processeur i5 puissant et est compatible avec toutes les applications Windows traditionnelles. Dommage qu’elle soit plombée par deux autres défauts de taille : la tablette est lourde (plus de 900g, ouch !) et son autonomie est divisée par deux, la faute à un Core i5 trop gourmand pour permettre à la batterie de tenir 10h, comme c’est le cas chez ses meilleures concurrentes.
Fort heureusement, cette situation ne devrait pas durer : Intel et AMD ont présenté au CES 2013 de nouveaux processeurs puissants et basses consommation, capable de rivaliser avec leurs équivalents ARM.
Asus, Dell, HP, Lenovo, Samsung… tout le monde s’y met !
S’il y a une tendance qui s’est dégagée lors du CES, c’est bien celle des convertibles sous Windows 8. Tous les constructeurs ont proposé leur concept de PC / Tablette embarquant le dernier OS de Microsoft, avec des idées très différentes (clavier à détacher façon transformer, écran qui se retourne, écran double et j’en passe des meilleures). Aucune selon moi n’a un aussi bon concept que la Surface, mais toute cette concurrence prouve bien l’intérêt des constructeurs pour Windows 8.
Avec le développement des processeurs x86 puissants à faible consommation, il se pourrait donc bien que Microsoft réussisse là où Google a échoué : dominer le marché des tablettes. Dans le monde des smartphones, la firme de Redmond est arrivée trop tard, et a laissé son jeune concurrent assoir sa domination, aux côtés d’un Apple qui continue à séduire.
Mais l’histoire ne s’est pas répétée pour les tablettes, car les constructeurs ont pratiqué des prix prohibitifs sur des produits embarquant un Android pas du tout optimisé et loin de faire rêver les foules, laissant le champ libre à la coopérative fruitière. Le petit robot vert commence à s’en sortir et à remonter la pente, mais est-ce que ce sera suffisant pour empêcher l’ogre Microsoft de frapper ?
Possible, si celui-ci et ses partenaires ne font qu’accumuler les erreurs. Le fait est qu’ils ont cette fois bien plus de chance de réussir, en vendant non plus de simples tablettes, mais de vrais hybrides qui donnent un nouveau sens à cette innovation tactile.